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Biographies résumées

UN JEUNE HOMME DYNAMIQUE

Par 11 janvier 2016juin 21st, 2019No Comments
UN PHARMACOLOGUE CLINICIEN MODÉLISATEUR

La recherche de nouvelles molécules nécessite du personnel qualifié, qui a besoin d’être motivé, choyé, payé grassement.

Les grosses sociétés, françaises ou étrangères, recrutent de préférence des diplômés qui ont un profil de jeune homme dynamique. Mais les années passent, les jeunes hommes dynamiques prennent de l’âge et de la bedaine. Les cheveux tombent, la vue baisse, les dents jaunissent.

Ce jeune homme dynamique a plusieurs résidences : l’une dans un canton germanophone, à proximité du siège social de son employeur ; l’autre dans son pays d’origine, où habite sa famille ; et un pied-à-terre dans la métropole où son généreux employeur l’autorise à donner des cours « de haut niveau » dans une université.

Il est l’ami d’un électricien retraité, domicilié dans une commune dont les rues portent des noms de contes de fées, qui pourrait être son oncle ; un électricien qui aime moucharder lui aussi, et qui, selon la presse locale, a subi soudainement un retour de manivelle qu’il avait bien cherché (un accident de radiateur à huile). Il est aussi « l’ami » d’un camarade de classe devenu juge d’instruction, qui fait des enquêtes à la noix sur des homicides non élucidés. Lors de son mariage, il est resté dans la même bourgade que ses parents, afin qu’ils puissent garder les enfants et que sa femme puisse travailler elle aussi : un gros salaire, c’est bien, deux gros salaires, c’est mieux ; telle est sa devise. (Sa soeur est mère de famille ; et il adore son neveu.)

Il a fait ses études dans une université dont le nom est celui d’un savant qui avait trouvé en 1878 un vaccin contre le choléra des poulets (des gallinacés). C’était l’époque où l’Iran changeait de régime politique et de chef de l’État, puis modernisait le nom de sa police politique ; l’époque où une armée étrangère portait hardiment secours au peuple afghan ; l’époque où les deux K s’affrontaient hargneusement à Baguio City (Philippines) ; l’époque où un ministre se noyait étrangement dans une minuscule flaque d’eau ; l’époque où un jeune président passionné de chasse à l’éléphant et de préservation des espèces en voie de disparition, mais aussi désireux de stimuler les inventeurs grâce à des déductions fiscales, finissait son septennat en douceur, remplacé par un président plus âgé décoré de la francisque.

La vie était plus facile en ce temps là : pas de chômage de masse, pas de changement climatique, pas de syndrome immunodéficitaire acquis, pas d’état d’urgence. Les diplômes universitaires offraient alors d’autres perspectives que de s’immoler par le feu, ou de servir toute sa vie de souffre-douleur aux services de sécurité, dans une commune « où il fait bon vivre » selon la propagande officielle.

Étudiant, il était fasciné par la police secrète, que l’on accusait d’infiltrer les universités, et par son réseau de mouchards, dont il aurait aimé faire partie. C’était l’époque où les États européens traquaient « Action directe », les « brigades rouges », la « bande à BAADER » et les « réseaux palestiniens ». Il comprit rapidement que l’on pouvait faire carrière plus facilement en aidant la police secrète, plutôt qu’en s’opposant à elle : « Mieux vaut avoir FOCCART avec soi que contre soi », se disait-il.

Maintenant, il observe ses collègues de travail, ses voisins et ses étudiants à l’université ; et il fait son compte-rendu quotidien à son agent traitant.

C’était l’histoire édifiante d’un jeune homme dynamique, qui aime moucharder et découvrir de nouvelles molécules. C’est aussi un thème de méditation pour les citoyens attachés aux droits de l’homme et autres vieilleries sans valeur.

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