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JUGEMENT N° 91-07-000328

JUGEMENT N° 91-07-000328 DU 14 JANVIER 2008 RENDU PAR LE JUGE DE PROXIMITÉ DE CHARENTON-LE-PONT

Engagement de l’instance

Cette instance a été engagée le 17 juillet 2007 à l’initiative de la compagnie d’assurances du demandeur (contrat de protection juridique n° A 115178051 C du 1er octobre 2005), après consultation de ses services juridiques.

Le demandeur (le copropriétaire lésé) était donc représenté par un avocat désigné par l’assureur, rémunéré par cet assureur, et qui recevait ses directives de l’assureur. Les conclusions en demande ont été rédigées par cet avocat.

En substance, le copropriétaire lésé demandait au juge de proximité :

  • de constater que la neutralisation informatique (dénommée « nouveau codage ») de la télécommande de parking constituait une violation du droit de propriété et causait un préjudice important au copropriétaire lésé ;
  • de constater que la motivation de ce « nouveau codage » n’était justifiée ni sur les motifs (« criminalité dans le parking » dont la réalité n’a pas été démontrée) ni sur la procédure adoptée (le système informatique permet de « modifier le codage » d’une télécommande sans qu’il soit nécessaire de manipuler physiquement cette télécommande ; par le passé, les bips de parking avaient été envoyés par la poste) ;
  • de constater que l’instauration d’une « procédure spéciale » n’était ni justifiée ni autorisée par les textes qui régissent le fonctionnement des copropriétés ;
  • de faire cesser cette infraction au droit de propriété et de condamner l’auteur du préjudice à indemniser la victime du préjudice.

Incidents d’instance

Une première audience publique a eu lieu le lundi 10 septembre 2007 à 9h30.

A la demande de l’avocat de la compagnie d’assurances (qui avait oublié d’en informer l’assuré), l’audience a été renvoyée au 10 décembre 2007.

L’audience du lundi 10 décembre 2007 a eu lieu dans des circonstances particulières : sur vingt-deux affaires inscrites au rôle de l’audience, vingt-et-une ont été reportées. La seule affaire examinée le 10 décembre 2007 était le litige de copropriété concernant la télécommande de parking. Autrement dit, l’audience « publique » du 10 décembre 2007 a eu lieu à huis clos, afin d’éviter que les plaidoiries ne débordent sur d’autres thèmes relatifs à la gestion hasardeuse de cette copropriété.

Lors des plaidoiries de l’audience du 10 décembre 2007, le syndicat des copropriétaires a proposé un nouvel argument pour justifier la modification le codage des télécommandes de parking : « certains locataires ont déménagé sans restituer leurs bips, c’est pourquoi il fallait bien bloquer toutes les télécommandes de l’immeuble » !

Motivation du jugement

La juridiction a adopté les arguments du syndicat des copropriétaires :

  • des « dégradations dans le parking souterrain » auraient rendu nécessaire le « changement du code des télécommandes » ;
  • « le demandeur ne s’est nullement conformé à la procédure instaurée » ;
  • le demandeur « ne produit aucune pièce probante ou pertinente susceptible de mettre en évidence un fait fautif quelconque du défendeur ».

Dispositif du jugement

Le copropriétaire privé de sa télécommande de parking, c’est-à-dire la victime du préjudice, est débouté de sa demande et condamné à indemniser la partie adverse, c’est-à-dire l’auteur du préjudice (500.- euros en application de l’article 700 NCPC).

Commentaire

La procédure a été engagée le 17 juillet 2007 ; le jugement a été rendu le 14 janvier 2008 : la durée de la procédure est de 5 mois et 28 jours.

Les motivations de cette décision juridictionnelle comportent plusieurs inexactitudes et omissions, peut-être involontaires.

  1. La gêne occasionnée à tous les copropriétaires d’un immeuble doit être justifiée. Or, la réalité des « dégradations » et « agressions sauvages », censée justifier la « procédure spéciale » instaurée en juin 2007 n’a pas été démontrée. Le syndicat des copropriétaires refuse notamment de divulguer l’identité des victimes des prétendues « agressions ».

    Réagir à des « agressions » en changeant le code des télécommandes de parking équivaut à reconnaître implicitement que les « agressions » sont causées par des résidents de l’immeuble. Compte tenu de la profession exercée par certains résidents, cette délinquance est plutôt surprenante.

  2. Selon le devis de l’installateur (réf. : FP 994450 du 11 octobre 1999), le système informatique qui gère les télécommandes de parking est conçu pour bloquer une télécommande donnée sans bloquer toutes les autres (un procédé identique est applicable pour les cartes bancaires) : le « dépôt impératif des télécommandes à la loge du gardien » est donc totalement injustifié.

    Sans cette particularité, il aurait mieux valu laisser en place l’ancien système d’accès au parking souterrain, par badges déclenchant l’ouverture des portes, qui fonctionnait très bien, à la satisfaction générale.

    Il est par conséquent abusif de bloquer toutes les télécommandes, si l’une seule d’entre elles pose problème.

  3. Le demandeur n’avait pas à se conformer à la procédure instaurée, puisque cette procédure n’est ni justifiée par des faits avérés, ni autorisée par un texte quelconque. Le 4 septembre 2006, lors de la première « modification du codage des télécommandes », les copropriétaires qui l’avaient demandé ont reçu les nouvelles télécommandes par envoi postal. De surcroît, le syndic avait reconnu, par lettre datée du 2 novembre 2006, qu’il est possible d’envoyer la télécommande par courrier.
  4. Le demandeur avait produit des pièces probantes et pertinentes qui ont été écartées sans motif par la juridiction (lettre du syndic datée du 2 novembre 2006 acceptant d’envoyer la nouvelle télécommande par lettre recommandée,).
  5. Lors des plaidoiries de l’audience « publique » du 10 décembre 2007, le syndicat des copropriétaires avait proposé un nouvel argument pour justifier la modification le codage des télécommandes de parking : « certains locataires ont déménagé sans restituer leurs bips, c’est pourquoi il fallait bien bloquer toutes les télécommandes de l’immeuble » !

    Cet argument n’est pas plausible : ainsi qu’il a déjà été exposé plus haut, selon le devis (réf. : FP 994450 du 11 octobre 1999) de l’installateur du système informatique qui gère les télécommandes de parking, ce système est conçu pour permettre de bloquer une télécommande donnée sans bloquer toutes les autres.

    Les clients des banques ont plus de chance que les résidents de cette copropriété de Maisons-Alfort : heureusement pour eux, il n’est pas nécessaire de bloquer soixante millions de cartes bancaires lorsqu’un distrait perd la sienne !

  6. Les motifs de la décision n’expliquent pas pour quelle raison l’audience « publique » du 10 décembre 2007 a eu lieu à huis clos : dès lors, le jugement contrevient à l’article 22 du code de procédure civile, et il ne respecte pas les conditions de procès équitable imposées par l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Cette décision juridictionnelle constitue une innovation juridique majeure, qui n’a pas été commentée dans les revues juridiques.

Le syndicat des copropriétaires est autorisé à neutraliser indéfiniment et sans motif pertinent la télécommande de parking d’un copropriétaire donné, dans le seul but de lui causer un préjudice.

Le droit de propriété, garanti par la Constitution, peut désormais être remis en cause par la décision unilatérale d’un syndic de copropriété.

La jurisprudence a été constante sur le point suivant : un copropriétaire ne peut être privé de la jouissance du bien immobilier qui lui appartient, sous aucun prétexte. Voici la jurisprudence citée dans les revues juridiques :

  • C.A. Paris, 23ème ch. A, 31 janvier 2001 ;
  • C.A. Poitiers, 3ème ch., 22 janvier 2002, Loyers et copropriété 2002, comm. n° 240 ;
  • C.A. Paris, 23ème ch. B, 26 septembre 2002, Loyers et copropriété 2003, comm. n° 48 ;
  • C.A. Paris, 14ème ch. B, 27 septembre 2002, Loyers et copropriété 2003, comm. n° 78 ;
  • C.A. Paris, 19ème ch. A, 8 octobre 2003, AJDI 2003, p. 862 ;
  • etc.

Le jugement n° 91-07-000328 du 14 janvier 2008 rendu par le juge de proximité de Charenton-le-Pont contredit cette jurisprudence.

Enfin, selon le code de procédure civile, les sanctions et pénalités prévues à l’article 700 NCPC sont facultatives. Le juge n’est pas tenu de faire application de l’article 700 NCPC : il peut condamner la partie perdante à supporter les frais exposés par la partie adverse, mais n’est pas obligé de le faire.

L’animosité manifestée par le juge de proximité, lors de l’audience du lundi 10 décembre 2007, montre qu’il avait conscience de condamner la victime du préjudice à indemniser l’auteur du préjudice, et d’enfreindre l’article 6, § 1, de la C.E.D.H.

Recours

Les décisions rendues par les juges de proximité ne peuvent être frappées d’appel. Le seul recours possible consiste à déposer un pourvoi en cassation. Onze mois après la notification du jugement, la compagnie d’assurances a informé l’assuré (le copropriétaire qui subit un préjudice) qu’elle refuse d’aller en cassation.

En l’absence de recours, le jugement n° 91-07-000328 du 14 janvier 2008 est devenue définitif le *** *** 2008.

Exécution de la décision

Le syndicat des copropriétaires, qui a gagné brillamment cette procédure engagée par l’assureur du copropriétaire lésé, n’a pas encore fait exécuter cette décision juridictionnelle définitive.

[Note du 29 août 2013 :

Après une longue réflexion de six années, qui prouve que la copropriété n’a aucune difficulté de trésorerie, le syndicat des copropriétaires s’est décidé à faire exécuter le jugement de complaisance n° 91-07-000328 du 14 janvier 2008, dans le cadre d’une procédure de saisie vente de l’appartement (veuillez cliquer sur les onglets « copropriété » et « présidence »).]


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mise à jour du 29/08/2013
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