Skip to main content
search
Coronavirus

Le confinement à maisons-alfort

Par 16 septembre 2020juillet 1st, 2021No Comments

« La maîtrise des maladies infectieuses est peut-être la plus grande victoire de l’humanité dans sa lutte éternelle contre la maladie. »

Sigmund S. MILLER (assisté de 20 spécialistes) – Symptômes et maladies – traduit de l’américain par Guy SCHOELLER – © éd. Robert Laffont, Paris, novembre 1991 (p. 515)

Fin décembre 2019, en Chine, plusieurs personnes sont affectées d’une pneumonie avec gêne respiratoire et fièvre. Le nombre de malades augmente rapidement : il s’agit d’une maladie inconnue et contagieuse. La contagion semble se produire comme selon le schéma suivant : le patient « zéro » transmet la maladie aux membres de sa famille, qui à leur tour la transmettent à leurs voisins, à leurs camarades de classe, à leurs collègues de travail.

Les personnes malades résident dans la province du Hubei, une région comparable à la France par sa superficie et le nombre d’habitants.

Cette épidémie va atteindre l’Europe fin janvier 2020 et prendre au dépourvu les autorités et les habitants.

SEMAINES 1-2-3-4-5

(janvier 2020)

« L’OMS craint depuis plusieurs décennies l’arrivée de pandémies incontrôlables, dues à des mutations inédites de virus existants, à la destruction d’écosystèmes conduisant au contact avec des populations d’animaux sauvages ou à la fonte du permafrost de Sibérie. »

Florent BUSSY – Quel monde demain ? – © Ce que nous dit la crise du coronavirus, ouvrage collectif, éd. Libre & solidaire, Bordeaux, mai 2020 (p. 37)

En Chine, le confinement de la province du Hubei (dont la ville principale est Wuhan) est décidé le 22 janvier 2020.

En France, cette mesure exceptionnelle est commentée plusieurs fois par les médias dans les semaines qui suivent : une telle contrainte pourrait-elle être imposée en Europe, à plusieurs millions d’habitants ?

Les trois premiers cas de contamination sont constatés à Bordeaux (une personne) et à Paris (deux personnes hospitalisées à l’hôpital Bichat).

SEMAINES 6-7-8-9

(février 2020)

À propos d’une autre maladie contagieuse.

« Cette maladie virale très contagieuse, potentiellement épidémique, affecte les sujets de tous âges et de toutes races. Au Moyen-Âge, des épidémies tuèrent un quart de la population européenne. (…) La variole constitue une Alerte médicale. Le patient doit être maintenu à l’écart de ses proches dans un service hospitalier (…). »

Sigmund S. MILLER (assisté de 20 spécialistes) – Symptômes et maladies – traduit de l’américain par Guy SCHOELLER – © éd. Robert Laffont, Paris, novembre 1991 (p. 527-528)

Après s’être propagée en Asie (Chine, Corée du Sud, Taïwan, Iran), l’épidémie se diffuse en Europe : le 18 février est annoncée la mort du premier citoyen italien, un maçon retraité de 78 ans, qui n’a pas voyagé dans une zone à risque et n’a pas eu de contact avec d’autres personnes malades. Comment a-t-il été contaminé ?

En France, le président de la République s’est déplacé le 18 février dans le département du Haut-Rhin, afin de rencontrer les habitants du quartier de Bourtzwiller, à Mulhouse, confrontés aux difficultés des banlieues.

Le 24 février, l’épidémie s’étend avec une rapidité surprenante en Italie : la Scala de Milan et d’autres salles de concert sont fermées ; les commerces doivent fermer, l’économie tourne au ralenti ; à Venise, plus de carnaval. Plusieurs communes sont surveillées par des militaires.

Le prix du pétrole a baissé ; quelque temps après, cette baisse se répercutera dans les stations d’essence.

Le 25 février, on apprend la mort du premier citoyen français, un enseignant retraité de 60 ans, qui lui non plus n’était pas allé dans une zone à risque et n’avait pas été en contact avec d’autres personnes malades. La même question se pose : comment a-t-il été contaminé ?

Le 27 février 2020, la presse française signale que quarante-quatre pays sont désormais touchés, dont le Brésil et la Norvège. Les quatre pays les plus affectés sont la Chine (2 744 décès), l’Iran (26 décès), l’Italie (14 décès) et la Corée du Sud (13 décès) ; il y a quatre décès dans la catégorie « autres », où est sans doute classée la France.

Le même jour, en visitant un hôpital parisien, le président de la République a annoncé qu’une épidémie arrive en France. Le Fonds monétaire international (F.M.I.) a décidé la création de plans d’urgence avec financement immédiat, afin de venir en aide aux pays qui auraient des difficultés pour faire face aux dépenses causées par les mesures sanitaires.

Le 28 février, l’indice boursier CAC 40 baisse de 8,32 %.

Le 1er mars, nouvelle baisse des indices boursiers : à Paris, en quelques jours, l’indice CAC 40 a dévissé de 6 300 points à 5 300 points.

SEMAINE 10

(du 2 au 8 mars)

Lors de la peste de Marseille, en 1720-1721, le régent Philippe d’Orléans fait adopter le 14 septembre 1720, en conseil du roi, un arrêt qui ordonne plusieurs mesures, dont l’isolement (le confinement?) de toute une province.

« L’arrêt (…) crée un cordon sanitaire autour de la Provence, le long du Verdon, de la Durance et du Rhône, avec soldats chargés de tirer à vue sur quiconque voudrait franchir le barrage. »

François LEBRUN – Le Temps de la santé publique ? Derniers soubresauts de la peste – © Les Malheurs des temps (ouvrage collectif sous la direction de Jean DELUMEAU et Yves LEQUIN), éd. Larousse, février 1988 (p. 351 à 356)

En Italie, début mars,  la Lombardie est la région la plus touchée par l’épidémie ; plusieurs villes de l’Italie sont placées en quarantaine.

Malgré les difficultés récentes de l’Italie et, en France, l’apparition d’un foyer de contagion dans le département de l’Oise, à proximité de Paris, l’épidémie est perçue comme un événement limité à des pays éloignés situés en Asie. D’autres événements plus « proches » sont exposés dans la presse française : journée internationale de la femme (le 8 mars) ; Hirak en Algérie ; procédures judiciaires qui visent l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos ; réforme des retraites en France ; accident ferroviaire près de Strasbourg (un T.G.V. a déraillé le 5 mars) ; procès en correctionnelle d’un ancien premier ministre.

En France, le thème préféré des médias est la campagne électorale pour les élections municipales. Le jour du scrutin, le taux de participation est traditionnellement élevé : les Français apprécient de pouvoir choisir leur conseil municipal. Dans plusieurs communes, des incidents se produisent lors de cette campagne électorale : à Paris, un des candidats se désiste, suite à la publication d’une vidéo gênante. En raison de la contestation de la réforme des retraites, l’élection municipale est un test pour le gouvernement : les candidats du parti présidentiel vont-ils faire un bon score ?

L’autre thème mobilisateur n’est pas l’épidémie, mais la vie privée des cinéastes : fallait-il octroyer une récompense à Roman POLANSKI pour son récent film consacré à « l’affaire Dreyfus » ?

La baisse des indices boursiers se poursuit : de 5 333,52 lundi 2 mars, l’indice CAC 40 est passé à 5139,11 vendredi 6 mars. La presse financière signale que les banques centrales de plusieurs pays prennent des dispositions.

En ce début mars, on ne se préoccupe ni de créer des emplois, ni de favoriser la recherche médicale, ni de vérifier si, dans les hôpitaux, les services des urgences sont équipés correctement. Dans certains milieux aux idées avancées, soucieux de manipuler les sphères judiciaires, l’ambiance est plutôt à la chasse au matzneff ou à la chasse au polanski.

Le 6 mars, le premier ministre annonce la fermeture prochaine des écoles dans les départements frappés par l’épidémie. À Mulhouse, 81 cas sont signalés aux autorités sanitaires.

Le 7 mars, le virus inconnu a causé 9 morts en France et 3 500 morts dans l’ensemble des pays concernés.

À Maisons-Alfort, les citoyens de première classe attendent avec impatience la réélection du maire sortant. Pour ceux qui font partie des citoyens de deuxième classe, la routine continue : envoi de deux lettres recommandées, l’une pour une juridiction parisienne, l’autre pour l’institut de sondage I.P.S.O.S., qui n’avait pas répondu à un autre courrier de l’année 2019.

Le 5 mars, un agent immobilier se balade dans l’immeuble : il a repéré sur Internet un appartement à vendre au n° 6 et vient aux nouvelles, au cas où d’autres logements seraient à vendre. (Ces deux dernières années, beaucoup d’appartements ont été vendus dans la copropriété. Pourtant, les anciens copropriétaires continuent de visiter leurs amis au n° 8 avenue Blum !)

SEMAINE 11

(du 9 au 15 mars)

« Le seul avantage que nous aura apporté cette crise est que, comme cela a été déjà montré à partir d’images satellites, l’état de l’environnement s’est amélioré considérablement. »

Simon CHARBONNEAU – Savoir faire face à la toute-puissance de la nature – © Ce que nous dit la crise du coronavirus, ouvrage collectif, éd. Libre & solidaire, Bordeaux, mai 2020 (p. 60)

 

En Italie, un deuxième décret présidentiel instaure un couvre-feu dans tout le pays. Un couvre-feu est une interdiction de sortir de chez soi la nuit, en temps de guerre : la situation doit être grave, pour qu’une telle mesure soit décidée.

Lundi 9 mars, deux foyers de contagion sont répertoriés en France, dans les départements de l’Oise et du Haut-Rhin, et on dénombre 25 morts. Le virus inconnu semble se propager lors de réunions. Dans ces deux départements, il est décidé de fermer les écoles et les collèges : les élèves doivent rester à la maison. Mais les maires insistent pour que les élections municipales ne soient pas reportées.

En France, la campagne électorale bat son plein : les programmes des candidats sont déposés dans les boîtes aux lettres des électeurs.

À Maisons-Alfort, le maire sortant propose la mise en place de caméras de vidéosurveillance dans toutes les rues de la commune. Bonne idée : son équipe sera réélue au premier tour. Mais, comme le montrera l’affaire qui se produira à Minneapolis le 25 mai 2020, la vidéosurveillance c’est bon pour les élections, un peu moins bon pour la police. Si elles ne tombent pas en panne au bon moment, comme dans les locaux de la R.A.T.P., les caméras ne filment pas seulement les délinquants : elles filment aussi les « forces de l’ordre ».

Un autre candidat propose curieusement « la titularisation de tous les employés municipaux ». Étrange suggestion. Sil les employés municipaux de Maisons-Alfort sont  déjà tous titulaires, comme prévu par les statuts de la fonction publique, alors pourquoi les titulariser une deuxième fois ? S’il ne sont pas encore titulaires, pourquoi ne le sont-ils pas ? Et depuis combien de temps sont-ils agents contractuels ? La célèbre commune où il fait bon vivre, mais pour certains seulement, serait-elle, comme le conseil départemental (autrefois:conseil général) de la Seine-Saint-Denis, dispensée de respecter les statuts de la fonction publique et spécialisée, elle aussi, dans les agents contractuels de très longue durée (vingt ans et plus) ? Les conventions secrètes signées entre la commune et le parquet de Créteil auraient-elles une incidence sur le statut juridique des salariés de la commune ?

Mardi 10 mars, la copropriété fait réparer les nouvelles portes blindées des entrées : trois d’entre elles sont défectueuses depuis début janvier. Un vice-président du conseil syndical supervise les opérations, dans la bonne humeur générale.

Le 11 mars, un communiqué de l’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé) passe inaperçu : l’épidémie se propage dans de nombreux pays. La situation est très difficile en Italie.

Mercredi 11 mars, on recense en France environ 4 000 personnes contaminées et 30 décès dans les hôpitaux, soit un taux de mortalité de 0,7 %. Il faut prendre une décision : maintenir ou reporter le premier tour des élections municipales.

À Maisons-Alfort, un farceur municipal vient se promener avenue Blum en début de matinée et simule le soufflage des feuilles mortes (il n’y a pas de feuilles mortes au mois de mars) puis part en courant. La taxe foncière, qui est parfois prélevée deux fois, est utilisée intelligemment, ça se voit.

De 20 heures à 20h30, le président de la République présente ses décisions aux téléspectateurs, lors de sa première allocution consacrée à l’épidémie :

– le premier tour des élections municipales ne sera pas reporté (il suffira de respecter les distances de sécurité dans les bureaux de vote) ;

– toutefois, à partir du lundi 16 mars 2020, les crèches, écoles, collèges, lycées, universités seront fermés ;

– l’aggravation probable de l’épidémie dans les prochaines semaines implique le    respect des « gestes barrières » (se laver les mains – saluer sans embrasser ou serrer la main – se tenir à distance d’un mètre – ne pas visiter les maisons de retraite) et, parmi le personnel médical, nécessite la mobilisation des étudiants et des retraités ;

– pour les logements locatifs, la fin de la trêve hivernale est reportée de 2 mois (pas d’expulsion de locataires avant le 31 mai) ;

– l’arrêt de l’activité économique (certains salariés, par exemple dans le B.T.P., ne peuvent faire du télé-travail) causé par l’épidémie implique que le chômage partiel soit financé par l’État afin d’éviter la propagation d’une crise financière.

Le président conclut en affirmant que la santé gratuite pour tous est à préserver : « certains biens et services doivent être placés en dehors des lois du marché ».

Une allocution du président de la République est peu fréquente : fête nationale, vœux de Nouvel an, événement exceptionnel. Cette histoire d’épidémie, on dirait que c’est du sérieux.

En Italie, il y a désormais 800 morts.

Samedi 14, en début de soirée, on apprend que tous les restaurants et bistrots doivent fermer à minuit, alors que le premier tour des élections municipales est maintenu le lendemain.

Les parents qui doivent se rendre sur leur lieu de travail (médecins, infirmières, pompiers, policiers, chauffeurs routiers, etc.) consacrent sans doute le week-end à s’organiser en prévision de la fermeture de tous les établissements scolaires.

Cette semaine, la baisse des indices boursiers a été encore plus forte : à Paris, l’indice CAC 40 passe de 4 707,91 lundi 9 mars (- 8,39 %) à 5139,11 vendredi 6 mars, avec la plus forte baisse constatée jeudi 12 (- 12,28 %). La presse financière titre « L’économie à l’arrêt – panique en bourse – comment acheter ».

Dimanche 15, belle journée ensoleillée. À Maisons-Alfort, la célèbre commune où il fait bon vivre (mais pour certains seulement), les admirateurs du maire sortant vont voter pour leur héros, puis se promener avec leur progéniture en bombant le torse : une fois encore, tout se passera « comme prévu ».

Quelques petits détails attirent l’attention :

– l’un des membres du bureau de vote n° 1, dont la prudence est légendaire, porte des gants en pleine rue, alors qu’il retourne chez lui, au n° 8 avenue Léon Blum ;

– à l’entrée du presbytère, une affiche informe qu’il n’y aura plus d’offices religieux, suite à une décision des évêques de France.

Les prêtres français auraient-ils reçu des informations de leurs collègues des diocèses italiens ?

En fin de soirée, on apprend que le virus a fait 100 morts dans les hôpitaux français.

SEMAINE 12

(du 16 au 22 mars)

« (…) Dédiés aux bureaux de vote, masques et gel hydroalcoolique ont manqué cruellement aux médecins et aux infirmiers de ville, pourtant en première ligne. Certains en sont morts. (…) »

Pierre-Yves POINDRON – Gestion de la crise – © Ce que nous dit la crise du coronavirus (ouvrage collectif), éd. Libre & solidaire, Bordeaux, mai 2020 (p. 152)

Lundi 16 mars, en fin de matinée, sur le parvis de l’hôtel de ville, une affiche présente le résultat des élections municipales : le taux de participation est de 40 %, la liste de la majorité sortante est réélue avec 74,13 % des voix. Une fois encore, tout s’est passé « comme prévu ». Une autre affiche annonce la fermeture des écoles.

La radio expose les conséquences de la fermeture des établissements scolaires, puis annonce que le président de la République fera une deuxième allocution télévisée en fin de journée.

Le soir, dans le hall de l’immeuble, juste avant le discours du président, une affiche à l’aspect officiel expose les précautions à prendre pour se protéger (les fameux « gestes-barrières »). Une autre affiche annonce que les gardiens de la copropriété ne réceptionneront plus les colis, à cause de l’épidémie.

....

De 20 heures à 20h30, lors de sa deuxième allocution consacrée à l’épidémie, le président de la République présente l’évolution de la situation et, après avoir rappelé les conseils sanitaires, annonce aux téléspectateurs, entre autres décisions, l’entrée en vigueur du confinement mardi 17 mars à midi, pour une durée de deux semaines :

– il est indispensable de respecter les « gestes barrières » ;

– il faut aller à l’hôpital seulement en cas de fièvre ; sinon, il suffit de téléphoner au médecin traitant ;

– dès le 17 mars à midi, les déplacements privés ne sont plus permis pendant deux semaines ; il faut privilégier les contacts téléphoniques ;

– dans les six mille communes concernées, le second tour des élections municipales est reporté à une date qui sera définie ultérieurement ; les résultats définitifs acquis au premier tour sont préservés ;

– toutes les réformes en cours sont suspendues, notamment la réforme des retraites ;

– des masques seront distribués dans les 25 départements les plus touchés ;

– les hôtels et les taxis sont mobilisés, pour le logement et les déplacements des médecins urgentistes ;

– l’armée sera mobilisée our déplacer les maldes du Haut-Rhin vers les hôpitaux d’autres départements et régions ;

– sauf pour les Français bloqués à l’étranger, les frontières Schengen sont fermées ;

– aucun Français ne sera laissé sans ressources ; pour les salariés, recours au chômage partiel ; pour les artisans et commerçants, un fonds de solidarité sera financé par l’État.

Pendant son discours, le président répète six fois : « nous sommes en guerre ».

La radio annonce 1 800 morts en Italie.

Mardi 17 mars, l’ambiance change. La radio parle surtout du confinement, annonce le nombre de morts : 175 en France, 2 500 en Italie.

Surgissent les premières questions. Le confinement sera-t-il aussi strict qu’annoncé ? Les magasins du quartier seront-ils approvisionnés ? Les éboueurs seront-ils confinés eux aussi ? Les boulangeries resteront-elles en activité ? Le courrier sera-il distribué ? La presse écrite sera-t-elle diffusée ?

Ceux qui sont déjà confinés à Maisons-Alfort, quelles qu’en soient les raisons (inculpés ou anciens détenus en suivi socio-judiciaire, citoyens de première catégorie exerçant des professions donnant droit à une protection spéciale, citoyens de deuxième catégorie qui se sont fait escroquer par des notaires véreux) sont déjà habitués au confinement depuis longtemps (confinement un peu moins strict, en apparence, que celui ordonné par l Élysée le 17 mars 2020). Ils s’adapteront plus facilement.

Pour ceux qui n’ont ni télévision, ni Internet à domicile, les informations proviendront uniquement de la radio. (Puis de la presse écrite, qui ne sera pas confinée.)

À la station-service du quartier, peu avant midi, première baisse du prix de l’essence : le SP 98 est à 1,473 euros.

Le confinement entre en vigueur à midi.

À 14h42, un long S.M.S. arrive sur le téléphone portable : « Alerte Covid-19 : le Président de la République a annoncé des règles strictes que vous devez impérativement respecter pour lutter contre la propagation du virus et sauver des vies. Les sorties sont autorisées avec attestation et uniquement pour votre travail, si vous ne pouvez pas télé-travailler, votre santé ou vos courses essentielles. Toutes les informations sur www.gouvernement.fr »

S’ensuit une polémique sur les stations de radio : comment le gouvernement a-t-il eu connaissance des numéros de téléphone de tous les Français ? (On saura le surlendemain que le gouvernement avait ordonné à tous les opérateurs de télécommunication de prévenir leurs abonnés.)

La bibliothèque du centre-ville est fermée, mais il n’y a pas d’affiche.

À la station-service du quartier, en fin de journée, deuxième baisse du prix de l’essence : le SP 98 est à 1,453 euros.

Mercredi 18 mars, on observe les promeneurs de chiens habituels avenue Blum. Le facteur fait sa tournée à bicyclette. La dernière fois pour plusieurs semaines.

Sur un ton martial, un premier message d’avertissement est diffusé à la radio :

« Alerte Coronavirus !

Si vous avez de la toux et de la fièvre, vous êtes peut-être malade. Dans ce cas, restez chez vous ; limitez les contacts avec d’autres personnes ; appelez votre médecin. La maladie guérit en général en quelques jours avec du repos. Mais si les signes s’aggravent, que vous avez des difficultés importantes à respirer et que vous êtes essoufflé, appelez le 15 immédiatement.

Ceci est un message du ministère chargé de la Santé et de Santé Publique France. »

Comme les indigènes de Maisons-Alfort ne communiquent que sur le mode agressif, il faut deviner, grâce à la radio, ce que sera le nouveau mode de vide pendant les prochaines semaines : ne plus se déplacer en voiture ; deux sorties par jour seulement, à pied, pour faire les commissions aux supérettes les plus proches et pour se promener un peu. Une amende est prévue si ces directives ne sont pas respectées. (On apprendra par la suite qu’elle sera réellement appliquée.)

Des rumeurs se mettent à circuler. Par exemple : « dans certaines supérettes, le rayon pâtes et le rayon papier-toilettes auraient été dévalisées, ce qui provoque une pénurie ». Il s’agit sans doute d’un incident ponctuel, observé dans une ou deux communes, et qui a été exagéré : dans les supérettes du quartier central de Maisons-Alfort, hormis quelques retards de livraisons qui affectent tel ou tel rayon (les tout premiers jours, c’est vrai, surtout les pâtes et les produits d’hygiène), les magasins resteront ouverts et approvisionnés.

Au courant de l’après-midi, l’entrée du square le plus proche de la mairie est barrée par des rubans blanc et rouge. Une affiche des services techniques annonce : « En raison des nouvelles dispositions sanitaires relatives au Covid-19, les parcs et squares de la ville sont fermés au public ».

..

À la station-service du quartier, troisième baisse du prix de l’essence : le SP 98 est à 1,436 euros par litre.

On dirait qu’il y a moins de voitures en circulation. Au bureau de poste principal, une affiche informe que les horaires sont réduits à cause du confinement : la poste ferme dès 17 heures. Il vaut sans doute mieux éviter de poster des lettres, en période de confinement.

Après l’Italie, l’Espagne est aussi affectée par l’épidémie. La radio annonce  qu’en Italie et en Espagne, les habitants viennent à 20 heures sur leur balcon, afin d’encourager le personnel des hôpitaux par des applaudissements.

Jeudi 19, annonce des premiers décès aux États-Unis.

En France, une centaine de morts supplémentaires. Première évacuation de malades de Mulhouse vers Marseille et Toulon par avion militaire. Quatre régions sont touchées (Nord-Est ; Ile-de-France ; Provence ; Corse).

Les chauffeurs routiers (qui approvisionnent tous les jours les magasins d’alimentation) signalent que la fermeture des aires de stationnement des autoroutes et des restaurants les empêche de manger et de se laver.

À Maisons-Alfort, au bureau de poste principal, une nouvelle affiche indique que le courrier n’est plus distribué.

Rue Médéric, dans le nouvel immeuble construit par une banque amie du conseil municipal, on observe les premiers applaudissements à 20 heures, comme en Espagne et en Italie, afin d’encourager le personnel médical.

Vendredi 20 mars, il devient manifeste que le confinement va durer plus longtemps que les quinze jours envisagés initialement par les autorités françaises : il faut téléphoner pour annuler tous les rendez-vous qui étaient prévus les jours suivants.

Le calme est frappant : avenue Blum, les véhicules officiels (police, pompiers, ambulances), qui sont occupés ailleurs en raison de la gravité de la situation, ne font plus d’essais de sirènes entre le n° 2 et le n° 18. Pendant le confinement, les riverains auront enfin un peu de tranquillité.

Les voitures banalisées ont disparu de la rue Médéric et de l’avenue Blum, habituellement encombrées. Le virus doit être redoutable : si les intellectuels de la DGSE, de la DST et du ministère de la Justice enlèvent leur précieuses voitures, c’est qu’elles risquent d’être contaminées par le virus ! Ou alors, les prétendus prolétaires en Mercedes de ces ministères sont partis en villégiature dans une résidence secondaire éloignée de Paris. (Selon la radio, plusieurs milliers d’habitants ont quitté la région parisienne le dimanche 15 mars après avoir voté, et resteront éloignés de Paris pendant toute la durée du confinement.)

Huit voitures resteront immobilisées pendant six à huit semaines : une douzaine d’emplacements sont disponibles. La situation est devenue paradoxale : on peut enfin se garer avenue Blum, à condition toutefois, dans le contexte communal de délation généralisée, de prendre le risque d’utiliser une voiture. On remarque d’autant mieux les rares voitures, comme celle d’un indigène du n° 2, qui sont utilisées plusieurs fois par jour, parce que l’utilisateur n’est pas soumis au contraintes du confinement. (Virus ou pas, les conventions internationales ont priorité sur les lois nationales.)

Dans le parking de la copropriété, de nombreux emplacements sont vides en permanence : certains indigènes sont allés s’abriter dans leur résidence secondaire (les fonctionnaires de l’État ont les moyens). D’autres emplacements sont vides, mais seulement aux horaires de bureau (9 heures – midi et 14 heures – 18 heures) : ce ne sont pas des horaires de médecins urgentistes, qui restent douze heures d’affilée à l’hôpital, mais des horaires de petits malins qui bénéficient de dérogations !

Vers 14 heures, dans la cour n° 8, une réunion au sommet entre le vice-président du conseil syndical et les gardiens. Habituellement, ces réunions sont secrètes : si elles sont publiques, c’est qu’un événement extraordinaire s’est produit.

À la station-service du quartier, en fin de matinée, quatrième baisse du prix de l’essence : le SP 98 est à 1,419 euros par litre.

♣♣♣♣♣♣ (PHOTO) ♣♣♣♣♣

Sur un ton ferme, un deuxième message d’avertissement est diffusé à la radio :

« Alerte Coronavirus !

Pour vous protéger et protéger les autres, tout déplacement est interdit, sauf muni d’une attestation, dans les cas suivants : aller travailler si le télétravail est impossible ; faire des courses de première nécessité ; faire garder ses enfants ou aider des personnes vulnérables ; aller chez un professionnel de santé, si vous n’avez pas de signe de la maladie.

Dans tous les cas, respectez un mètre de distance avec toute personne et appliquez systématiquement les gestes barrières : lavez vous très régulièrement les mains avec du savon ou utilisez une solution hydro-alcoolique ; toussez ou éternuez dans votre coude ou dans un mouchoir ; utilisez des mouchoirs à usage unique, puis jetez-les ; saluez sans serrer la main et arrêtez les embrassades.

Plus d’informations au 0800 130 000, appel gratuit, ou sur gouvernement.fr.

Ceci est un message du ministère chargé de la Santé et de Santé Publique France. »

À 20 heures, on entend dans l’obscurité des applaudissements rue Médéric, malgré la fraîcheur de ces derniers jours de l’hiver.

Dans les régions touchées, les hôpitaux sont pleins : en France, on recense 450 morts, mais 1 500 malades sont guéris. En Italie, il y a 4 000 morts ; en Espagne, 1 000 morts.

Samedi 21 mars, on annonce l’installation prochaine d’un hôpital militaire à Mulhouse.

En France, 562 morts ; en Italie, 6 430 morts ; en Espagne, 1 300 morts. Les États-Unis sont touchés aussi : 100 morts ; L’augmentation continue du nombre de morts est inquiétante : en France, cent morts de plus chaque jour ; le triple en Italie et en Espagne.

À la radio, malgré la gravité de la situation, les publicités habituelles sont diffusées : un fabricant d’automobiles luxueuses au freinage aléatoire, dont les usines sont en Allemagne, se fait remarquer.

À Maisons-Alfort, certaines boulangeries ferment désormais à 15 heures.

Dans le local poubelles de la copropriété, une innovation : les couvercles des poubelles sont ouverts (et vont le rester en permanence pendant deux mois). Des ordres ont été donnés, afin que les habitants n’aient plus à toucher les couvercles.

Dimanche 22 mars, le marché de la rue du professeur Cadiot est encore en activité : les camions des commerçants sont garés à proximité.

Les commerces non alimentaires sont fermés ; la plupart ont mis des affiches qui exposent le motif de la fermeture.

..

Première conférence de presse du directeur de la santé retransmise en direct à la radio : 674 morts en France, 5 500 morts en Italie, 1 700 en Espagne ; des malades sont transférés de Mulhouse en Allemagne et en Suisse.

SEMAINE 13

(du 23 au 29 mars)

 

 

 

 

Print Friendly, PDF & Email
Close Menu